Place for archiving, researching and transmitting born in 1994 that explores Land Art both in historical, critical and prospective perspective. It is aimed at “an audience as wide as possible” (Gerry Schum)
Founded by Marc de Verneuil (architect, critic)

Lieu d'archivage, de recherche et de transmission né en 1994 qui explore le Land Art dans une perspective aussi bien historique, critique que prospective. Il s’adresse à «un public aussi large que possible» (Gerry Schum)
Fondé par Marc de Verneuil (architecte, critique)


« Le Land Art est une pure fiction ; voilà pourquoi nous l'observons »
Land Art is purely fictional; that is why we observe it” (OBSART)








vendredi 9 novembre 2012

Dibbets, 33 Variations of Infinite Open Forms (ARC, 2010)

Land + Sea Horizons 45° - 135° (1972-2007) ; Big Comet 3°-60° Sky/Land/Sky (1973).
Photo : Marc de Verneuil, 02/05/2010

Forthcoming English version...


33 Variations of Infinite Open Forms
Jan Dibbets, « Horizons », ARC / Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 18 février – 2 mai 2010

(…) l’horizon se décompose en une multiplicité de lignes qui se renouvellent sans cesse. L’horizon n’est pas une limite, mais une épaisseur dotée d’une puissance de cohésion et d’ouverture.[1]
—Michel Corajoud (9 février 1998)

New Horizons (2007)
Comet 6°-72° Sky/Land/Sky (1973)
Photo : Pierre Antoine (2010)
Il fallait bien un pluriel à Horizons pour évoquer les 289 photographies de lignes[2] de Jan Dibbets qui ont envahi l’ARC, cette année, au travers de 33 œuvres réalisées entre 1969 et 2007. Cette rétrospective, thématique, est celle d’un artiste protéiforme : peintre, minimaliste, conceptuel de la première heure, processuel, landartist d’un soir — l’un des ténors de la mythique « GS[3]». Le catalogue, écrit par deux éminents spécialistes de l’artiste, Rudy Fuchs et Erik Verhagen[4], est indispensable à la compréhension des images de nature cadrée issues de ce parcours sinueux et détachées de toute green-actualité, bien que pouvant en être une expression singulière. D’abord parce qu’il précise les controverses rétiniennes qu’a suscité l’œuvre de Dibbets[5] et que cristallise sa déclaration du 15 juillet 1970 : « il y a un pas qui va plus loin que l’art conceptuel, car l’on peut donner à ce que l’on pense, ou ce qui existe en tant que concept, une réalité visuelle[6] » (propos évidemment inaudibles pour ses camarades, conceptuels, obnubilés par la dématérialisation de l’objet d’art de Lucy Lippard[7]). Ensuite, parce qu’il révèle un événement autobiographique majeur, ce séisme intérieur qui se déclenche dans l’enfance, lorsque Dibbets va voir la mer avec son père pour la première fois. Il découvre, à Scheveningen, une nature étrangement abstraite, quasi bidimensionnelle en raison de cette ligne inatteignable. Un choc[8] précoce, préfiguration des 40 années d’expérimentations qui suivront sur ce motif et qui apparaissent aujourd’hui comme un puzzle grandeur nature à combinaisons multiples.

Sectio Aurea (1972)
Study for Film 3 x Horizons 45° (1970)
Blue Line (1974)
Photo : Pierre Antoine (2010)
Sectio Aurea (1972) en est une pièce essentielle. C’est la version argentique des New Horizons / Land and Sea (2007), de facto resitués dans la continuité d’un vaste work in progress. Ce paysage hybride — deux rectangles identiques accolés – est une greffe artificielle entre mer et polder parfaitement réussie. Le nombre d’or, suggéré par le titre et un schéma, contribue sûrement au succès de cette union que conforte une longue vague solitaire — propre aux plages hollandaises — mutant en ondulations végétales de même nature. Un plissement des yeux[9] le confirme. On les rouvre sur Study for Film 3 x Horizons 45° (1970), une étude au titre intriguant. Serait-on devant une « table de multiplication d’images » déployant la réalité ? L’interrogation conduit à Blue Line (1974), six photographies dédoublées en miroir dont on se demande encore, à 10 cm, si l'on ne regarde pas de la peinture. Cette ligne bleue sur fond bleu, d’une finesse absolue, exhausserait-elle le rêve de Dibbets : «"picturaliser" la photographie[10]»? De rêve, celui de refaire le monde, il en est question avec Reconstruction Sea 135° (1972-73), Universe World’s platform (1972) et Universe / a construction (1971), qui illustrent la citation apocryphe de Descartes : « Dieu créa le monde, mais les Hollandais créèrent la Hollande ». On touche au mythe. Aux légendes aussi, avec cette analogie entre les carrés inclinés de Sectio Aurea C (2007) et le viseur en corten de l’ancestral Observatory (1977), de Robert Morris. On quitte les polders pour gravir les légendaires Dutch Mountains (1971), l’un des premiers travaux de Dibbets où la nature est utilisée comme un matériau lambda. Tel un démiurge, l’artiste change un paysage réel — la plage — en une montagne imaginaire – métaphore de la dune située derrière lui. La version 2007 de Land +  Sea Horizon 0135° (1972-2007) reconduit le minimalisme de Horizon Flevo L 45° (1971), mais ici, l’objectif tournoie au lieu de glisser sur le paysage. L’œil chavire devant cette longue série stéréo-photographique (Terre + Mer) dont le basculement, réglé avec précision, fait retentir les 24 coups de TV Clock (1963), de Nam June Paik ; corrélation temporelle entre les deux artistes[11] qui introduit l’idée d’un «horizon-temps».  
Nam June Paik, TV Clock, 1963. (Santa Barbara Museum of Art, 1989)
La forme asymptotique de Big Comet 3°60°, Sky/Land/Sky (1973) propulse alors le spectateur dans l’espace-temps, rappelant au passage l’affinité entre Art et Science chère à l’artiste[12]. On sombre dans l’incertitude. Avec cette comète végétale, on navigue entre l’infiniment grand de l’univers et un infiniment petit que l’on croit déceler devant ce brin d’herbe de 4 mètres de haut ressemblant à l’agrandissement au microscope d’un cheveu humain… On songe, avec humour, au père spirituel de Dibbets, Mondrian, et ses tableaux cosmiques devenus logos cosmétiques. Avec Horizon II + Horizon III Sea (1971), on nage littéralement entre-deux-eaux, du tangage au roulis. Ces 3 + 2 films qui tournent en boucle, évoqués dans Study for film, déconcertent par leur simplicité au regard du résultat obtenu : une ligne d’horizon si présente que l’on peut presque toucher. Présentés sans durée, ils n’existent en fait que le temps de leur exposition. Bel hommage à Gerry Schum.

Horizon III Sea (1971) ; Horizon II Sea (1971). Photo : Marc de Verneuil




Il est temps de retrouver la terre ferme avec les New Horizons (2007) et Sectio Aurea B1 (2007). Mais quelque chose ne va pas : les cadres en bois de ces huit paysages numériques alignés sont tous différents. On finit par découvrir que ce sont les images qui génèrent la dimension des tableaux. On n’est donc pas devant de belles images à contempler mais bien face à la démonstration d’une expérimentation spatiale. Cette multiplicité de lignes, aux possibilités, semble-t-il, infinies, nous apparaît soudain très proche des 122 Variations of Incomplete Open Cubes (1974), de Sol LeWitt, que Rosalind Krauss décrit en 1977 « comme le résultat d’une expérience de nature obsessionnelle »
[13]
Courtesy of Sofia LeWitt
Ainsi, avec ses New Horizons, Dibbets poursuit le chemin tracé par son ami conceptuel LeWitt, 40 ans après ses Paragraphs on Conceptual art (1967), tout en puisant ses racines chez des rétiniens tels que Mondrian, Bacon ou Cézanne, entre autres « artistes obsessionnels ». L’obsession, d’ailleurs, on dira qu’elle ne s’est jamais vraiment arrêtée chez Dibbets, en atteste le timbre-poste HOR\ZON qu’il conçoit en 1996, en France, deux ans après Hommage à Arago, ce « monument imaginaire réalisé sur le tracé d'une ligne imaginaire » selon ses propres mots. 
Horizon, 1996 (timbre-poste)
Collection de l’OBSART, 2010
Tollebeek (2010), 34e pièce du puzzle, est la seule qui ne montre pas l'horizon. C’est la clef de voûte de l'exposition. Cet œil insolite situé, dans la réalité, au dessous du niveau de la mer, nous interpelle : « Vous voyez, vous êtes entourés de toute part de lignes d'horizons mais sans moi, sans la lumière, vous ne verriez rien ! ». Le titre de l’exposition précédente ? Deadline. On a du mal à y croire.[14]

Marc de Verneuil
Fév.- mai 2010 | Publications : oct. 2010 (ETC) | 1 mai 2011 (OBSART)

[1] Michel Corajoud, « Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent », Actes Sud, Arles, 2010, p.203.[↑]
[2] Dont cinq en mouvement.[↑]
[3] Ou « Génération Szeemann-Siegelaub-Schum ».[↑]
[4] Commissaire avec François Michaud (spécialiste de l’œuvre filmique de Gerry Schum dont Dibbets fut la figure emblématique).[↑]
[5] Dérangeant par son approche « vernaculaire » (Cf. Rudy Fuch, Éloge de Jan Dibbets, L’Échoppe, Paris, 2000, p.29).[↑]
[6] Entretien avec Betty Van Garrel (Cf. Erik Verhagen, Jan Dibbets L’œuvre photographique 1967-2007, Panama, 2007, p.201).[↑]
[7] Mais les idées évoluent… Joseph Kosuth : « Lucy Lippard a mal compris » (Cf. CONTRASTe, magazine d’art contemporain, n°1, Paris, 2008, p.31).[↑]
[8] Renforcé par la grande inondation de 1953 qui dévaste sa terre natale.[↑]
[9] Pratique courante en dessin, matière que Dibbets a pu enseigner (Cf. Rudy Fuch, op. cit., p.22).[↑]
[10] Erik Verhagen, op. cit., p.14.[↑]
[11] Dibbets réalise TV as a fireplace (1969) quatre ans après Moon is the oldest TV (1965).[↑]
[12] Jan Dibbets, « Interactions between Science and Art ». Oxford Journals, Cardiovascular Research, vol.56 (2002), no.3, pp. 330-331.[↑]
[13] Alain Laframboise, « Obsessions et rituels », ETC, n°88 (2009), Montréal, p.56.[↑]
[14] Un merci tout particulier à François Michaud, Marie-Laetitia d’Hérouville ainsi qu’aux personnes – en France, en Hollande et aux Etats-Unis – qui m’ont apporté leur soutien.[↑]

Tollebeek, 2010. Photomontage : OBSART
Commissariat
Erik Verhagen (bio)
François Michaud (audio)

Documentation
Landartist d'un soir (1969)
Hommage à Arago (1994)
Interactions between science and art (2002)
Comme à l'époque, la mer égalise tout (2009) 
Gilles Tiberghien, Expanded Land Art (2012)

Revue de presse
Ci-dessous figurent la liste, a priori exhaustive, des articles parus en français jusqu'en octobre 2010. Au delà de cette date, aucun texte ne semble avoir été publié. Réalisée plus de deux ans après l'exposition, cette revue de presse permet de découvrir quelques bons textes, notamment ceux d'Anaïs Lepage et Christophe Domino. 
01/03/2010 - Rue 89 | Louis Meslé, Les horizons de Jan Dibbets au...
01/03/2010 - Lunettes Rouges | Horizons
27/02/2010 - Libération | Brigitte Ollier, Jan Dibbets des horizons à l’infini
27/02/2010 - Ooskoor | M. Alcalde, Jan Dibbets au MAMVP versus...
17/02/2010 - CdA | V. Bouruet-Aubertot, L’horizon selon Jan Dibbets... 

Autres expositions (USA-DE-NL) 
25/03-29/05/2011 - Kunstverein Heilbronn

30/01-13/03/2011 - Kunstsammlungen-chemnitz

22/05-12/09/2010 - Gemeentemuseum Den Haag
 

05/02-13/03/2010 - Gladstone Gallery

International press review (USA-DE-NL)
25/03/2011 - Stimme | C. Ihlefeld, Am Horizont ist nichts gerade (DE)
01/06/2011 - PKG | G. Baumann, Jan Dibbets - Horizons (DE)
19/06/2010 - Trouw | H. de Lange, Dibbets zwoegt op de ultieme... (NL)
05/06/2010 - Sandrasmets | Horizonten Dibbets zijn truc geworden (NL)
01/06/2010 - Quintessence | Jan Dibbets aan de horizon (NL)
08/03/2010 - DaWire | Jan Dibbets at Gladstone Galler (US)

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